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« Si j’avais des enfants aujourd’hui, je serais en guerre », déclare Miranda, 27 ans, à la fin du Club des enfants perdus. Les enfants devraient être au centre de nos inquiétudes alors qu’ils font déjà les frais de nos choix, de nos erreurs et de nos renoncements. Miranda est emblématique de cette génération mais elle échappe curieusement aux définitions et aux diagnostics, malgré une dépression qui a révélé une sensibilité extrême, au point de développer des dons surnaturels, de susciter des apparitions, des dédoublements, des présences fantômes. Signifiant ainsi que les adultes sont incapables de discerner ce qui ne va pas chez ces jeunes en perdition, comme incapables d’accéder aux manifestations paranormales, aux communications invisibles. C’est une des grandes tensions du roman : notre rapport collectif à l’invisible, l’inexplicable, au féérique, qui s’est perdu au fil des siècles et revient ici comme symptôme romanesque de la solitude de toute une génération.
Le livre explore tout un univers noir et magique, issu des contes et de l’imaginaire enfantin et adolescent, qui devient métaphore d’une détresse que la société impose à ses propres enfants, et le signe romanesque du divorce générationnel devant l’état du monde. Le bref et poignant destin de Miranda illumine alors ce livre d’une noirceur éblouissante. Ses étranges pouvoirs la conduiront à éprouver une intense compassion envers la détresse de chacun, jusque dans sa propre famille, et une sombre empathie pour la violence et la cruauté du monde contemporain. Ce grand roman choral à deux voix, père et fille, oppose deux rationalités – et deux visions romanesques – qui tentent désespérément de se comprendre. Armand incarne le sens commun, une vitalité quotidienne, et Miranda une inquiétude ultra-sensible, une attention à l’invisible. « Miranda est un mystère », répète Armand. Elle appartient à un drôle de club, celui des adolescents qui n’ont « manqué de rien sauf de cette joie pure, essentielle, que certains ressentent du seul fait d’être en vie ». Miranda n’est ni consolée ni sauvée par son savoir occulte et ses pouvoirs paranormaux. Ils l’aident à vivre tant qu’elle est enfant, puis se retournent contre elle, incapable alors de supporter les arrangements obscènes du monde avec la souffrance et l’injustice.
À vingt-sept ans, Miranda semble appartenir à un drôle de club : celui des enfants qui n'ont marqué de rien sauf de cette joie pure, essentielle, que certains ressentent du seul fait d'être en vie.