L'année de leurs 16 ans, toutes les jeunes filles sont envoyées dans un campement en forêt où elles doivent survivre seules pendant un an afin de se purifier de la magie dangereuse dont la croyance les pense porteuses. Tierney, une adolescente rebelle et animée d'une rage sourde, s'aperçoit très vite que le danger réside plus dans la folie collective qui gagne le groupe que chez leurs gardiens. Celles qui survivront ne seront plus jamais les mêmes. « Personne ne parle de l’année de grâce. C’est interdit. Nous aurions soi-disant le pouvoir d’attirer les hommes et de rendre les épouses folles de jalousie. Notre peau dégagerait l’essence pure de la jeune fille, de la femme en devenir. C’est pourquoi nous sommes bannies l’année de nos seize ans : notre magie doit se dissiper dans la nature afin que nous puissions réintégrer la communauté. Pourtant, je ne me sens pas magique. Ni puissante. » Un an d’exil en forêt. Un an d’épreuves. On ne revient pas indemne de l’année de grâce. Si on en revient.
Une dystopie aux frontières du fantastique dont une parenté diffuse avec des classiques littéraires, tels que la "Servante écarlate", "Sa majesté des mouches", "Battle Royale", ou les événements historiques autour des "Sorcières de Salem" n'est pas la moindre qualité.
Une histoire qui nous parle d'un ailleurs spatio-temporel en y plaçant çà et là de nombreux éléments qui font échos à une vision plus que patriarcale de la société. La femme serait une créature dangereuse qui ne peut intégrer la communauté que lorsqu'elle est débarrassée de tout "pouvoir" pouvant mettre en danger les gens qui l'entourent et en particulier les hommes.
Une narration très bien construite qui, grâce à divers éléments troublants, saupoudrés çà et là, nous laisse longtemps dans la même indécision que les personnages face à l'existence d'une magie féminine.
Une héroïne qui sort du canevas voulu par la société car si son éducation a été stricte comme pour toutes les autres, elle a aussi été "différente" ce qui lui a permis de développer des habiletés rarement cultivées chez les femmes de cette histoire et qui lui permettront d'envisager autrement la situation, lors de l'exil forcé qu'elle partagera avec d'autres, et donc d'évoluer au fil des pages.
Des personnages secondaires masculins qui manipulent leurs "filles" dès l'enfance et leur font vivre, à l'adolescence, une expérience si traumatisante que la vie bien rangée qui suivra pour les survivantes ressemble alors à une "bénédiction".
Des personnages secondaires féminins qui, bien que majoritaires dans cette société, s'accommodent, pour la plupart, de la situation soit par résignation soit parce qu'elles peuvent en tirer un avantage, un statut, une autre forme de pouvoir… elles seront donc elles aussi opposées au changement et rendront difficile une forme de rebellion voulue par une poignée d'entre elles.
En conclusion, un roman coup de poing où l'action explicite et une série de réflexions sous-jacentes forment un mélange harmonieux.